
LES PANÉGYRISTES JUIFS DE NAPOLÉON I
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et au Grand Sanhédrin. Ce qui explique le contrôle policier étroit imposé aux juifs
austro-hongrois durant la durée des travaux, tant sur les déplacements vers l'Ouest,
interdits aux juifs, que sur les personnalités réformatrices du judaïsme autrichien. La
crainte de voir les juifs se rallier aux armées napoléoniennes, d'espionner au profit
de l'Empire napoléonien ou de provoquer un mouvement national dans l'attente
de la conquête française est renforcée par une opinion répandue alors en Moravie,
selon laquelle le Sanhédrin serait l'œuvre de Frankistes - ce qui pourrait expliquer
l'argument messianique.
Février 1807, c'est en effet le moment de la bataille terrible d'Eylau, qui voit
Napoléon affronter les armées russes dans des combats terrifiants. Pour certains
rabbins, en Europe orientale, c'est la guerre de Gog et de Magog, le combat ultime
avant l'ère messianique, qui s'incarne là en Europe centrale et orientale, dans la lutte
entre Napoléon et le tsar Alexandre. Le problème qu'ils se posent est de savoir si les
juifs doivent laisser la Providence faire l'histoire ou
s'ils
doivent rallier Napoléon,
prier et agir en sa faveur, afin que la délivrance finale (geoula) s'impose? Pour
certains dirigeants hassidiques, l'Empereur est l'agent par lequel Dieu accomplira la
rédemption d'Israël.
On se rappellera que durant sa campagne de Syrie, Bonaparte, pour se concilier
la population juive locale, avait fait naître beaucoup d'enthousiasme en son sein en
laissant courir le bruit qu'il allait fonder un nouveau Royaume de Jérusalem et inviter
les juifs à rétablir Jérusalem dans son ancienne splendeur. L'appel aux juifs du 20 avril
1799
n'est sans doute pas authentique, mais peu importe, c'est la rumeur propagée qui
compte, d'autant que l'appel aurait été signé, symboliquement, de Jérusalem - que
Napoléon ne tenait évidemment pas - et que le Moniteur du 22 mai 1799 en avait
rapporté la teneur.
Une réelle espérance messianique anima une partie de la population juive,
convaincue qu'après la prise de Saint-Jean d'Acre, le général Bonaparte allait se
rendre à Jérusalem et restaurer le Temple de Salomon. Bonaparte dépêcha des agents
dans une partie de l'Empire ottoman pour répandre cette nouvelle, une manœuvre
politique qui lui était dictée par la situation critique que connaissaient ses années
- elle aura des échos probants jusqu'en Europe, au point d'occuper quelque temps le
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Les députés juifs aux deux assemblées et les panégyristes de Napoléon feront
de fréquentes références à l'épisode de la campagne d'Egypte, omettant son échec et
supposant que l'Empereur y conçut le plan de réorganisation du culte juif qu'il mettra
en œuvre sous les auspices du Grand Sanhédrin - rappelons au passage que d'après
Thiers, il lisait la Bible en quittant l'Orient pour l'Occident: le symbole n'est pas
négligeable.
Le culte de Napoléon
Le Grand Sanhédrin participe, on l'a vu, à la construction d'un culte qui dépasse
les particularismes religieux
:
celui de Napoléon. Il y a accaparement de toutes les
forces de la Nation, et le Grand Sanhédrin participe de cette mobilisation de tous les
symboles au profit de l'Empereur. C'est l'homme tout entier, le citoyen, l'homme
social, l'âme religieuse, qui est sujet de l'Empereur.
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