
RELIGION ET POLITIQUE À ROME 33
pourquoi nous tenterons de découvrir, dans cette deuxième partie, d'abord les sources
contemporaines de l'événement narré par Valère Maxime.
Les témoins contemporains de Mancinus condamnent, avons-nous écrit dans la
première version de cette communication
58
, le consul de 137 av. J.-C. : à leurs yeux,
en premier lieu, il a échoué devant les Numantins
59
; en deuxième lieu il n'était
pas mandaté pour traiter avec ceux-ci ^ ; en troisième lieu, il n'a pas tenu compte
des signa ex tripudiis (poulets de Lavinium), ex caelo (voix du Portus Herculis), ex
diris (serpent de Gênes)
6l
, alors qu'il était vraisemblablement accompagné de son
questeur Tiberius Gracchus
62
; comme celui-ci, au sortir de l'enfance, fit partie du
collège des augures
63
, il aurait pu mettre son supérieur hiérarchique en garde contre
les mauvais débuts de son entreprise guerrière. Si l'aîné des Gracques ne l'avait pas
fait
w
, il en aurait vraisemblablement encouru le reproche et Valère Maxime l'aurait
probablement signalé ; or Tiberius ne passe pas pour avoir été un augure négligent !
Il appert que c'est Mancinus qui négligea les présages. Les témoins pouvaient
tenir le même langage, quand Mancinus alléguait devant le Sénat que la guerre
menée en Espagne était en fait xmpolemos apaisios
63
, puisqu'il avait outrepassé les
présages. Qui plus est, ces témoins, et Valère Maxime après eux, devaient rejeter la
double accusation que Mancinus lançait contre Q. Pompée, l'un de ses prédécesseurs
en Espagne, d'avoir laissé une armée indisciplinée - rappelons que c'est Scipion
Emilien qui redressera la discipline militaire - et d'avoir secrètement traité avec
les Numantins
66
. Comme Valère Maxime ne vise, semble-t-il, que Mancinus, ses
renseignements pourraient provenir soit de Caius Gracchus, soit de Publius Mucius
Scaeuola
67
, soit de Scipion le second Africain.
En citant ces trois noms, nous citons de ce fait trois hommes qui ont fait de la
politique et qui ont, personnellement ou indirectement, influencé l'historiographie
romaine républicaine des deux derniers siècles av. J.-C. Tel est le cas du tribun de la
plèbe, assassiné en
121
av. J.-C, Caius Gracchus
;
celui-ci a
relaté,
vraisemblablement
dans son Liber ad Pomponium, des événements de la vie de son frère aîné Tiberius,
et a aussi pu parler des incidents survenus à Mancinus
68
. Rappelons qu'à son
témoignage, son père avait consulté des haruspices au sujet de présages concernant sa
propre mort
69
; en raison de ce précédent, nous pourrions émettre l'hypothèse qu'il
a mentionné les présages qui concernent la mort de son frère Tiberius Gracchus et
que Plutarque et Appien ont repris
70
. Si Plutarque, biographe tardif des Gracques,
est fidèle à sa source (Caius Gracchus ou l'historien Fannius ?), nous pouvons inférer
que Tiberius Gracchus, en qualité d'augure et de questeur, avait dûment informé
Mancinus de la portée des présages, et que ce dernier les avait méprisés et n'avait pas
tenu compte des avertissements de son subordonné
71
.
Quant à Publius Mucius Scaeuola, il semble en effet
s'être
opposé à la gens
Hostilia, d'abord en attaquant en justice, en qualité de tribun de la plèbe, en 141
avant notre ère le préteur L. Hostilius Tubulus
72
, puis en refusant, en qualité de
préteur, en 136 la restitution de la citoyenneté romaine à C. Hostilius Mancinus ;
de plus, devenu pontifex maximus, il avait à veiller sur les archives pontificales
dont une tradition erronée lui prête soit la rédaction, soit la publication sous le
nom d'Annales Maximi
73
. Ces Grandes Annales qui mentionnaient entre autres les
présages qui se produisaient lors de chaque année
74
, auraient en fait été publiées
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