
78 LA SACRALISATION DU POUVOIR
des Stuarts à Saint-Germain-en-Laye par Louis xiv aurait ainsi fourni à Racine un
sujet politique qui restait, au gré des multiples tentatives de reconquêtes, d'une
actualité criante et auquel Yexemplum d*Athalie permettait d'octroyer plus de
profondeur. Faisant écho aux théologiens anglais, Racine pouvait en effet offrir, à
son tour, une représentation des débats politico-religieux concernant le tyrannicide.
Derrière Athalie, les courtisans devineraient aisément le prince de Nassau
;
derrière
son mauvais conseiller, Mathan, l'on aurait vu poindre sans effort la figure de
l'archevêque anglican, Burnet, tandis que le petit Joas, par son âge et sa faiblesse,
ferait inévitablement penser au futur Jacques m, reconnu plus tard par Louis xiv...
Fort de nouveaux arguments puisés dans l'histoire d'Angleterre, J. Orcibal se pencha
ensuite sur les indices d'une influence janséniste, découlant presque naturellement
de la biographie de l'auteur avant de s'attarder sur quelques portraits français qu'il
n'était pas inintéressant de confronter aux affres de Port-Royal.
Cette analyse intelligente, qui fut sans doute l'un des apports les plus importants
à une œuvre littéraire trop longtemps délaissée, n'octroyait finalement qu'une place
assez mince à la scène théologique générale. Les influences possibles de la théologie
gallicane étaient ainsi expédiées en une dizaine de lignes tandis que la majeure
partie des raisonnements théologiques anglicans était rejetée au sein d'un second
appendice, en fin de volume
3
. On sait également quelle place donner aujourd'hui à
une quelconque signification janséniste des pièces de Racine, plus souvent teintées
d'un augustinisme ambiant que de revendications port-royalistes claires
4
. Face à
une œuvre qui se voulait un savant alliage de préoccupations politiques, de citations
bibliques, de vers et de musique rejoignant l'opéra, les études pluridisciplinaires se
faisaient encore hésitantes.
Loin d'incarner une évidence, la considération même de la littérature comme
« lieu de la théologie » devait encore être rappelée quelque dix-neuf années plus tard
par M.-D. Chenu, désireux de décloisonner des disciplines devenues des spécialités
et ayant fini par se situer « au pôle opposé » d'une « cohérence des phénomènes de
civilisation » :
(...) il est urgent de repérer parmi ces cohérences, celle de la littérature et de la
théologie, quelles que soient par ailleurs la foi ou l'incroyance de l'historien. Il
s'agit
de
réalité
«
objective
» des
comportements mentaux, individuels et collectifs, d'autant
plus enveloppants qu'ils sont devenus (...)
des
facteurs, conscients
ou
inconscients du
mouvement de l'histoire
5
.
Plus encore, les contributions qui se sont penchées sur Athalie ont longtemps
privilégié une série de rapports personnels disjoints, une influence vague de l'actualité
sur le poète soucieux de plaire à son roi, sans que soit réellement pris en compte le
rôle des institutions. On croise ainsi à plusieurs reprises le nom de Bossuet dans des
études qui ne peuvent expliciter plus clairement la rencontre des deux hommes que
par certains facteurs de proximité, par l'influence de l'évêque de Meaux à la cour, son
rôle de précepteur auprès du dauphin ou ses implications dans la justification de la
doctrine du droit divin. L.-Cl. Delfour et J. Lichtenstein
6
lurent dans le personnage
de Joad, une incarnation théâtrale des sermons ou de la personne de Bossuet sans
que jamais ce rapprochement soit le fruit d'une étude thématologique sur la fortune
littéraire du chapitre biblique concerné. Plus récemment, Th. Goyet voyait « Racine
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